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8 septembre 2009

"La moindre confiance en soi des filles et la surestimation de soi des garçons nous frappent"

La suite de l'article precedent

Christian Baudelot et Roger Establet sont sociologues. Ils ont notamment publié Allez les filles !, (Seuil, 1992) et Quoi de neuf chez les filles ? (Nathan, 2007). Ils réagissent aux conclusions de l'étude sur le concours HEC

Que pensez-vous de l'étude sur la réussite des filles et des garçons au concours d'HEC ?

Techniquement, elle est impeccable. L'auteur insiste sur la moindre réussite des femmes au concours d'HEC, mais les écarts finaux sont faibles par rapport à ceux d'il y a trente ans. Sur 100 reçus aujourd'hui, il y a 54 hommes et 46 femmes. Les filles sont davantage éliminées que les garçons, c'est vrai, mais en 1975, l'écart était bien plus fort : sur 100 reçus, il y avait 25 femmes et 75 hommes. Depuis, les écarts n'ont jamais cessé de diminuer. Les facultés de médecine et les écoles de commerce sont les institutions universitaires sélectives où les filles ont réussi à faire quasi-jeu égal avec les garçons, les dépassant même en médecine. Les filles ont réussi, à travers les écoles de commerce, à ouvrir la petite porte qui donne accès aux postes dirigeants des entreprises. Il en va tout autrement des autres grandes écoles scientifiques et d'ingénieurs où la part des filles, très minoritaires, ne progresse plus.

Pourquoi les filles ont-elles plus de mal que les garçons en situation de compétition ?

La tendance enregistrée dans l'étude est confirmée par beaucoup d'autres. Mais l'observatoire choisi pour souligner le trait, le concours d'HEC, n'est pas le meilleur. La population des filles se présentant à ce concours est sursélectionnée. Michelle Ferrand, Catherine Marry et Françoise Imbert l'ont montré en étudiant les réussites improbables des filles entrées dans deux grandes écoles scientifiques. Beaucoup d'entre elles étaient soit des enfants uniques, soit n'avaient que des soeurs. L'absence dans la famille d'un contre-modèle masculin, supposé imbattable en matière de compétition, avait pu libérer bien des inhibitions dans ce domaine.

Si l'on observe des filles moins sélectionnées, par exemple des élèves de seconde, on est toujours frappé, à réussite scolaire égale, par la moindre confiance en soi des filles et la surestimation de soi des garçons. Or la surestimation de soi prépare bien aux compétitions à venir.

Les garçons sont plus sensibles que les filles à tous les ingrédients qui rapprochent l'école et le sport : ils sont stimulés par le classement, aiment comparer leurs notes en mathématiques à la moyenne de la classe et plus encore aux notes obtenues par certains camarades. Rien de génétique dans ces différences, mais seulement la trace profonde d'une éducation très différenciée depuis le premier jour, dans la famille et dans la société.

Aux filles, les poupées, la dînette, les jeux d'intérieur, l'attention à autrui, le souci de la famille et la coopération à l'économie domestique. Aux garçons, l'extérieur, les sports, l'affrontement, les jeux de guerre, toutes activités plus propices à développer l'esprit de compétition.

Cette manière d'encourager des qualités différentes chez les filles et les garçons a-t-elle bougé au cours des dernières années ?

Oui et non. Non, parce que les différences de traitement éducatif dans la famille demeurent très accusées. Mais oui quand même : s'ils ne reçoivent pas la même éducation, ils sont élevés ensemble. La mixité s'est imposée partout. Le modèle idéal légitime est bel et bien l'égalité. D'où le sentiment d'injustice induit par le fait que les énormes progrès scolaires des filles n'ont pas débouché sur une amélioration proportionnelle de leur statut professionnel et familial. De plus en plus nombreux sont les parents qui poussent leurs filles à faire des études longues et à les poursuivre aussi loin que leurs fils.

N'oublions pas que comparés aux autres domaines d'inégalités entre classes sociales - salaire, patrimoine, espérance de vie, emploi, accès à l'université ou à la santé -, les écarts entre hommes et femmes sont les seuls qui se soient réduits au cours des cinquante dernières années, et parfois très sensiblement.

Propos recueillis par Anne Chemin

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Commentaires
A
... c'est que la fameuse mixité dans l'éducation fait que les filles et les garçons ont souvent les mêmes attentes. Dans une famille françaises standard, les filles font autant d'études que les garçons, et sont élevées avec l'idée qu'elles peuvent être parfaitement égales. Ce qui n'est pas vrai donc, en terme de salaire, mais aussi en terme de "schéma de vie". On a beau adorer son boulot, la maternité nous bouleverse et impose des différences qu'on voulait nier: Maman allaite, Maman materne, naturellement. Et les congés, c'est pour qui ? Du coup, on se retrouve à devoir reconsidérer notre soi-disant "égalité", en se rappelant qu'"égaux" ne veut pas dire "identiques". Et comme souvent la maman ralentit un peu la carrière (de façon voulue, hein ? on est d'accord), elles se sentent flouées par rapport aux messages reçus dans leur enfance.<br /> Du coup, je me demande quelle est l'intérêt d'entretenir ce mythe d'une égalité-identité des filles et des garçons, sans souligner qu'à une certaine période de leurs vies, il se peut que leurs aspirations changent.
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