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16 mai 2011

Pendant ce temps à Singapour...

A Singapour, le parti au pouvoir perd de sa superbe

Encore très minoritaire, l'opposition a marqué des points lors des élections générales

Non-événement au regard des révoltes dans le monde arabe, le résultat des élections générales de Singapour, organisées le samedi 7 mai, dans cette prospère cité-Etat qui punit encore par la loi les critiques contre le gouvernement, illustre néanmoins les changements en cours au sein de cette société très contrôlée.

Le Parti d'action du peuple (PAP), au pouvoir depuis 1959, a conservé comme prévu une très forte majorité à l'Assemblée unique de Singapour, avec 60 % des suffrages (au lieu de 67 % en 2006 et 71 % cinq ans plus tôt). Mais l'opposition a triplé le nombre de ses députés (6 élus sur 87). Le principal mouvement politique d'opposition, le Parti des travailleurs (PT), a enlevé pour la première fois un district entier, Aljunied, avec cinq sièges, battant notamment un membre influent du gouvernement, George Yeo, ministre des affaires étrangères, qui perd du même coup son portefeuille.

Le premier ministre, Lee Hsien Loong, fils du fondateur de Singapour, Lee Kuan Yew, aujourd'hui " ministre mentor ", a pris acte, dimanche, de ce " tournant de la vie politique auquel nous devons tous nous adapter ". " Le PAP, a-t-il conclu, tirera les leçons de cette élection et corrigera ce qui doit l'être notamment sur la manière de gouverner. " M. Lee a conservé un poste qu'il occupe depuis 2004. Son père, âgé de 87 ans, a été réélu dans une circonscription où l'opposition ne présentait pas de candidat.

Lors de ces élections, les autorités ont pour la première fois accepté que les partis d'opposition fassent campagne par le biais des réseaux sociaux. Ils ont évoqué l'envers du miracle économique à Singapour, l'accroissement des inégalités et l'augmentation de la présence d'étrangers, riches comme pauvres, sur le sol singapourien : leur nombre est passé, en dix ans, d'un quart à un tiers de la population.

Les arguments de campagne ne devaient cependant pas " être dramatisés " ou " être sortis du contexte ", selon les autorités. Les meetings et les discours devaient être soumis à une autorisation préalable. Seuls les candidats pouvaient s'exprimer publiquement.

La portée de ce changement se mesure à l'aune d'un régime qui a longtemps masqué ce que l'organisation Human Rights Watch (HRW) qualifie, dans son rapport 2010, " de très anciennes atteintes aux droits politique et civique " par une insolente réussite économique. Le taux de croissance de Singapour a atteint 14,5 % en 2010 et ses réserves financières s'élèvent à plusieurs centaines de milliards de dollars singapouriens, ce qui a permis de passer sans dommage la crise financière de 2009.

La cité-Etat, ex-colonie anglaise, interdisait, à ce jour, toute opinion divergente à celle du gouvernement et du parti au pouvoir. Un journaliste britannique, Alan Shadrake, a été condamné en novembre 2010 à six semaines de prison et à une lourde amende pour avoir publié un ouvrage critique sur le système judiciaire singapourien, notamment sur l'application de la peine de mort.

En relâchant ainsi légèrement la pression, explique-t-on dans certaines chancelleries à Singapour, la cité-Etat veut se différencier de la Chine ou du Vietnam. " Ils font le pari de mieux contrôler les opinions en ouvrant une petite fenêtre d'expression légale ", estime un diplomate occidental.

Le gouvernement tente également d'intégrer une nouvelle génération de Singapouriens aujourd'hui en âge de voter et de peser sur les choix de la société. " Eduqués, ayant vécu à l'étranger et désireux, à la différence de leurs parents, de bénéficier de la richesse d'un Etat omniprésent, mais aussi d'être libres de penser, les jeunes ne sont pas des révolutionnaires, ils ne contestent pas les dirigeants ", explique un professeur de mathématiques à Singapour.

La relative ouverture politique créée par ces élections a néanmoins déjà suscité des réactions d'inquiétude. Plusieurs médias ont averti que " ceux qui ont voté pour l'opposition s'en repentiront ". Le premier ministre a estimé, pour sa part, que l'existence " d'un débat public sur les problèmes à résoudre rendait les choses plus compliquées ".

Jacques Follorou

daté du 15 mai 2011

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